La petite fille sur les tuiles
Aucun enfant n’a su naître sous ce toit et lentement les pleurs ont cessé de couler sur les tuiles surchauffées. L’adorable poupée de chiffon que l’on croyait symbole d’une fécondité certaine est restée là, oubliée.
Des années plus tard, le tissu est décoloré, le biberon vide, le visage et les mimines desséchées. Personne n’a songé à récupérer cette petite momie devenu porte-malheur.
Enfant mort-né. Regrets au soleil.
Son costume bleu et blanc rappelle la mascotte du club de football national argentin. Il appartient à la famille des ursidés mais sans certificat. Son bibi rose ne permet pas non plus de déterminer son sexe.
En fait, ce truc à poils est sorti d’un stand de chamboule-tout : des balles jetées contre une pyramide de boîtes en fer cabossées qui s’effondrent : c’est gagné.
Mais la belle a poursuivi la promenade du soir dans les bras du perdant… Le vainqueur, après avoir bu pour oublier, s’est vengé sur cette adorable peluche en le plantant sur l’un des pieux soutenant la vigne de son jardin.
Mais pourquoi à l’envers ?
La drôle de créature
En haut du village, au pied d’une villa en réfection, traînent quelques jouets d’enfants, épars. Accroché au premier étage, la drôle de créature sourit, d’un sourire pétrifié.
Il regarde droit devant lui pour ne pas voir la chose, le Schmürz, son prédécesseur, celui qui a connu les années de dictature. Sans commentaire. Lui a fait tout son devoir, l’année où la chambre d’enfant a pris feu. Une sorte de héros.
Mais ne le touchez pas : il pourrait éclater de malheurs.
Le moose
Dans la petite rue tranquille, le mur d’une ancienne maison a cédé et vomi un immense tas de gravats.
A côté, sur le volet tout en faux bois de cette belle villa, un moose tout neuf et bien propret sourit aux passants. On le dirait tout juste de retour d’un voyage de ses propriétaires dans l’ouest canadien.
Pourvu qu’ils rouvrent vite les volets : il a très mal à l’oreille droite !
La poupée nue
Attachée à un poteau de granit, nue. Un cou cerclé d’un câble électrique. Des cheveux brûlés à l’acide. Un regard bleu acier dérangeant. Une bouche figée dans l’ironie.
Une vraie scène de crime tout droit sortie d’un épisode d’un feuilleton américain dont les ressorts principux seraient, comme souvent, la violence et le sexe.
Le scénario est autre. Dans cette maison, un enfant soigneux qui, avant d’offrir sa poupée, a préféré garder ses habits pour les donner à une autre.
Le Telettuby rouge
Brutalité du bleu du ciel. Rudesse des lauzes. Hardiesse des pentes pavées : Girokäster, la résistante.
A mi-pente, à la terrasse d’une belle demeure en cours de rénovation, est accroché, par son antenne circulaire, un Teletubby. Imaginée et créée en Grande-Bretagne par Anne Wood et Andrew Davenport à la fin des années 90, c’est une petite fille un peu timide qui adore les gros câlins (« big hugs »).
Elle s’appelle Po. Elle est rouge. En quête de liberté dans sa ville grise.
Et les casemates se sont faites toute petites et… carrées.