Reflets de stars

« Reflets de stars » 

Le cadre de la vitre de la voiture s’est imposé avec l’évolution du Festival : les 4500 journalistes, le renforcement des conditions de sécurité et les enjeux économiques ont enfermé  les stars dans les véhicules officiels. Point de jambes croisées sur les capots ou de portières ouvertes sur d’aguichantes chevilles ; moins glamour que les cabriolets de Sophia Loren ou d’Elisabeth Taylor, les voitures sont caissons d’isolement, loges d’artiste ou protectrices confidentes.

Paradoxe de cette parade en ville : la star est tout à la fois offerte à la vue des spectateurs et faussement visible, derrière des glaces teintées et des rideaux tirés. Sur son parcours, entre studios, Palais, Palaces, soirées… je dois être au milieu de la course, quand le stress du départ est presque évacué et que la pression du lieu suivant n’est pas encore montée. Quand je réalise un portrait, je veux saisir la tension ou le relâchement qui s’expriment sur le visage, toute la palette des émotions. Sous leurs traits, sur leur peau, passe une multitude d’impressions et ma photographie doit saisir l’une d’elle : ce qui frappe souvent c’est la concentration, l’intimité. Parfois, il faut un peu les déranger pour réussir la photo tout en respectant absolument cet instant. Malgré la foule des « stoppeurs » et des curieux, l’exercice est solitaire. Je suis à la recherche d’une photo unique : l’expression ne se reproduira pas puisque la star va être reprise par les autres et donc par le paraître. Je fais trois ou quatre photos à chaque fois, jamais plus. Le temps d’après sera totalement autre. Lors d’un photo call, les photographes choisissent l’angle, la lumière, sont à la recherche du regard… Puis, on pimente un peu et les stars peuvent se livrer à un jeu de feinte authenticité : elles s’amusent quelques minutes avec leur partenaire, embrassent leur réalisateur ou se placent du côté des photographes… Mes photographies sont dans le temps d’après : celui qui n’est quasiment plus un temps de jeu mais celui d’un peu de sincérité. C’est la raison pour laquelle je ne retouche pas mes photos : je veux rendre vie, rendre la vie à ces stars qui, sinon, ne seraient que des poupées, des masques ou des avatars.